mercredi 12 mai 2010

UNE SEMAINE EN ROUMANIE

Bonjour Mesdames, Messieurs, Mesdemoiselles !
Nous sommes le 10 mai 2010, il est 2h50 à Cardiff et j’ai enfin fini de relater le petit séjour que j’ai passé avec les filles pendant les vacances de Pâques.
Excusez-moi d’avance s’il y a des redondances avec le reste du blog, tant dans le texte que dans les photos, je suis pas sûre d’en avoir lu tous les articles… Mais surtout installez-vous confortablement, parce qu’en une semaine, il s’en passe des choses !

La décision de faire ce petit voyage s’est prise un peu à l’arrache : j’avais médité un certain temps les encouragements des filles (« Une petite semaine en Roumanie, ça te dit pas ? »), le prix des billets (même si j’ai dû m’y prendre comme un manche à balai-brosse dans mes recherches parce que la facture a été salée), et puis quand caser ça… Indécision indécision, comme d’hab… Et puis finalement, comme dirait ma coloc, « Come on, it’s Easter ! » alors soyons fous ! 
Et donc le lundi qui suit (le 5 avril), hop hop, bus pour Londres (2h55 du mat’), bus pour Luton Airport (6h30), et zou, décollage à 11h15 pour l’Est lointain !

Lundi

Après un vol sans problème (« Ouaaah ça y est on vole ! C’est trop chouette les p’tites maisons ! Olala la mer de nuages, c’est beauuuu ! » - comme quoi rien que le trajet valait le coup), on atterrit, à 16h30 dans le (très petit) aéroport de Bucarest Baneasa. (Applaudissement des passagers… Je suppose qu’ils savourent le plaisir simple d’avoir encore des mains…) Il fait gris et il bruine, et les rares bâtiments alentour ne sont pas bien jouasses non plus. Je change quelques euros pour mes premiers lei : les billets sont en plastique ! La plus petite coupure est de 1 leu (environ 25 centimes d’euros) ; seuls les centimes sont en pièces, de 1, 5, 10 ou 50 ban(i), rarement utilisées. Les filles sont supposées me rejoindre une heure plus tard, donc je me pose sur un banc et j’attends.
   Après une heure et demie, la jeune roumaine assise à côté de moi s’inquiète de me voir prendre racine et me propose son téléphone pour m’enquérir de la situation. Non non merci mademoiselle, j’ai le mien, et puis sur un trajet de 6 à 7 heures de train (Marie et Mathilde viennent de Iaşi, dans le nord-est du pays, et Bucarest est au sud)  30 minutes ne sont pas grand-chose. En tout cas ce sympathique premier contact avec les autochtones est plutôt de bon augure !
Je finis par appeler : finalement on se rejoint au centre ville, sur la Piaţa Universitate. La jeune fille m’indique l’arrêt de bus (au bord d’une quatre-voie ; rien de clairement matérialisé, heureusement que je ne suis pas la première à attendre). Bien que je comprenne d’après le panneau dans le bus que je risque une amende de 50 lei (12 euros) en montant gratos, il n’y a rien pour payer et le chauffeur est protégé par une vitre, donc flûte. Tout en descendant vers le centre, on passe devant des ruines de béton et de superbes maisons à colonnes : comme partout, l’architecture de la Roumanie est le témoin de son histoire, avec ses reliefs du régime communiste, ses belles maisons neuves qui illustrent la remise en route de l’économie roumaine et l’influence de l’Ouest,  tout en essayant, tant bien que mal, de ne pas trop perdre de ses traditions… (Et puis il y a aussi les habitations franchement typiques, en bois, mais qu’on ne trouve pas dans la capitale !)
Je demande à un des passagers où je dois descendre (c’est pas trop compliqué de trouver des anglophones dans la capitale ; j’ai moins eu cette chance en province) et j’arrive sur la grande place de l’université, plutôt pas mal, encadrée de hauts bâtiments. J’ai un peu de temps à tuer avant que les filles arrivent, du coup je pars me balader autour de la place (pas trop loin quand même, je ne fais confiance ni à mon sens de l’orientation, ni à l’autonomie de mon portable en cas de paumage total). En chemin je tombe sur deux gars qui me demandent si je suis perdue : « Il y a un téléphone là, tu veux appeler tes amies ? Non ? Et tu vas pas dans la bonne direction pour la place ! Ah, tu te balades, mouais, bon, d’accord… Mais sois pas en retard, hein ! » Tout de suite, là… (Je le pardonne, il ne pouvait pas savoir que je suis l’exactitude même.)
Je passe devant de grandes banques, des magasins (fermés pour la plupart en ce week-end prolongé de Pâques, grmbl), le riant Cercul Militar National (qui s’avère être un musée) et puis j’aboutis en face d’une ravissante petite église orthodoxe. C’est l’heure de l’office, donc je ne m’aventure pas trop loin à l’intérieur – de toute façon c’est tout petit – mais c’est vraiment super chouette, avec beaucoup de bois et d’or (de toutes les icônes) : on se croirait dans une boîte à bijoux…

Finalement je retrouve les filles sous la place, dans le métro : après tout ce temps ça fait du bien de les revoir ! Tout en devisant joyeusement, on descend vers le coin des restos. C’est là que je goûte mes premières spécialités locales : mititei (saucisses sans peau), cornichons et poivrons marinés (gogoşari), cartofi (des patates, quoi) et haricots blancs à la tomate (rien à voir avec les haricots anglais qui trempotent dans une sauce à 80% de sucre et 2% de tomate). Pour être honnête c’était pas trèèèès différent de ce qu’on connaît, mais c’était bien bon ! (Et puis mieux vaut se méfier de la cuisine trop locale, rapport à une certaine ciorbă… Les deux fourbes savent de quoi je parle.)
N.B. : là je fais comme si je connaissais les noms par cœur, mais en fait j’ai passé la semaine à mélanger tout le peu de roumain que les filles m’apprenaient et à redemander encore et encore comment s’appelait tel ou tel machin, donc vers la fin j’ai tout noté dans mon carnet et gardé les factures des restos.

 Nous levons le camp et serpentons entre les sofas des bars à narguilés qui s’étalent dans les rues étroites, en se demandant où on pourrait prendre un p’tit chocolat. C’est ainsi qu’on échoue dans le café plutôt chicos qu’est « Chocolat » (« créateur de goût ») : ouffflah dis donc c’est pas donné tout ça, mais on est posées, carte en main, donc c’est un peu difficile de quitter l’endroit… Je prends un chocolat au Grand Marnier, pas mauvais. (Pour 14 lei, il avait intérêt).

La soirée continue avec une visite de nuit de la ville : l’immense (euphémisme) palais de Ceausescu, l’imposant musée d’histoire, les petites églises au coin des rues, le fameux restaurant Caru’cu bere où on rentre vite fait avant la fermeture…
On rencontre un groupe d’Erasmus espagnols et français (argh ils sont partout ! Sale engeance !) qui nous proposent d’aller en boîte, mais il commence à se faire tard (la journée a été longue) et l’appel téléphonique de Silviu, l’ami des filles qui s’est proposé de nous héberger, et quand même plus bienvenu que 120 décibels de techno dans les esgourdes. On le rejoint près du palais du « Génie des Carpates » (ou du dictateur mégalomane, à vous de voir), et après un peu de marche, nous voilà dans « la kitchen de Silviu » ! C’est le petit appart de notre hôte, ainsi baptisé par Carmen, une Bucarestoise et amie des filles qu’on rencontrera le lendemain. On ne traîne pas pour étendre nos sacs de couchage sur la moquette, et se jeter avec délice dans les bras de Morphée !

Mardi

9h : le réveil que j’ai réglé la veille sonne. Je l’éteins.

10h : on se réveille. (« Oh ben mince alors, c’est qu’il est 10 heures ! Quoi mon réveil ? »)

On se fait un bon petit déj’ (avec les délicieux pâtés et fromage de Pâques de Silviu) et on s’en va gaillardement, sous la pluie, pour le Musée du Paysan roumain. On y voit de jolis tableaux dans le plus pur style communiste (bizarrement pas de Ceausescu, mais des habituels Lénine, Staline et un aut’type qui revenait souvent mais dont j’ai pas retenu le nom) et puis, au deuxième, plein de costumes traditionnels (qui se composent toujours d’une longue robe en lin, au manches et encolure brodées – au point de croix, pour être précise - de motifs géométriques souvent noirs et rouges), des moulins, une maison en bois (entiers, mais si), plein d’ustensiles divers et variés… On croise plusieurs petits groupes de Français. Grmbl.
Après avoir fini la visite on rebrousse chemin sous la pluie, mais à l’aller on avait Silviu, et là on est un peu paumées… (Et Bucarest sous la pluie, du moins le coin où on était, ne donne pas vraiment envie de flâner. C’était gris, et soit en ruines, soit en construction.) Après un coup de fil salvateur, on rentre au bercail et mangeons un petit quelque-chose en compagnie de Carmen qui passait par là, et après avoir chaleureusement remercié notre adorable hôte, on prend un taxi pour la gare, achetons quelques vivres et sautons dans notre train : direction la vallee d’Iza, une riviere de la region des Maramureş, tout au Nord !

Alala, les trains roumains… D’accord, ils sont souvent d’une propreté douteuse (ou parfois carrément inexistante, certains WC faisaient peur à voir), pas franchement ponctuels, mais ils ne sont pas chers, et surtout… Ils sont à COMPARTIMENTS !!! Je sais pas vous, mais moi quand j’ai vu ça c’est comme si je passais dans un monde parallèle où j’aurais pu aller saluer Hercule Poirot, Harry Potter ou les Barbouzes ! Il ne manquait plus que la cabine soit plaquée en acajou avec deux-trois cuivres de ci-de là et on se serait presque cru dans la pub Chanel. J’adore ! (Pour continuer dans les parfums, hohoho) Du coup c’est décidé, un jour je prendrai l’Orient Express. (J’ai jeté un coup d’œil au site Internet : 2000 livres pour faire Chiang Mai-Singapour, ou 5000 livres pour Paris-Istanbul. Je commence à économiser.)

Mais enfin bref, je m’égare ! Là on avait les compartiments, c’est déjà ça. On partage le nôtre avec un ancien chauffeur de train, qui discute un peu avec les filles (elles me traduisent le gros du dialogue en temps réel, comme pendant les interviews à la radio). Je prends quelques photos.
Arrive alors le contrôleur. Il prend quelques secondes pour me regarder avec de gros yeux puis m’adresse un laïus tout en roumain auquel j’ai compris que dalle, ce dont il se fichait éperdument, et repart. J’ai quand même réussi à en saisir la substantifique moelle : le coco n’aime pas les photos, et d’après notre compagnon de voyage c’est pour éviter que je ne diffuse des preuves d’éventuels non-respects des normes européennes. Je n’avais pas non plus pu prendre de photos de l’avion... (Qui était pourtant un bel Airbus A320 de fabrication bien française de chez nous !)





← En tout cas les Roumains sont très fiers d’appartenir à l’UE, comme le montre cette photo prise à Suceava, le samedi…











Donc si vous voyez un truc un peu louche sur mes photos illicites, n’allez pas rapporter à Bruxelles, s’il vous plaît !


Mercredi (bigre, que le temps passe vite)


Apres une nuit passée allongées sur un siège et-demi (oui, car il y a 3 sièges de chaque côté dans un compartiment, et nous étions quatre) et 12 heures de train (de 17h40 à – plus ou moins- 5h46, là aussi vous pouvez refaire le calcul) on débarque un peu chiffonnées dans le brouillard montagneux de la vallée d’Iza.






On descend jusqu’au village.


(Les calvaires sont légion ici)



On va prendre un café/chocolat dans une petite buvette/supérette sur le bord de la route : le chocolat, dans ce genre d’établissement, est très souvent une poudre de chocolat blanc qu’ils versent sur le lait chaud, et c’est toi qui t’amuse à homogénéiser tout ça avec ton bidule en plastique prévu à cet effet. C’est très sucré et ça n’a pas grand-chose à voir avec notre Nesquik matinal, mais ça se laisse boire sans trop de difficultés.

Oh, petite note sur les toilettes ! Il faut savoir que les habitations traditionnelles ne sont pas composées d’une unique maison : vous avez l’habitation principale, certes, mais aussi des petites dépendances dans le jardin, dont le puits (souvent joliment ouvragé) et donc les toilettes. C’est une cabane avec dedans un banc, avec dedans un trou. Voilà. Assez dépaysant, je dois dire.

On s’en va ensuite attendre le bus sur le bord de la rue principale avec quelques  autres, devant un enclos de moutons peinturlurés.

Pendant la traversée du très joli village de Ieud (avec Who is it et Joe le taxi en fond sonore), j’ai le nez collé à la vitre : les maisons se succèdent, soit traditionnelles en bois quasi-noir et merveilleusement sculpté (les portails sont particulièrement impressionnants) soit modernes, qui poussent comme des champignons, et dont les crépis couvrent l’intégralité du cercle chromatique. Des oranges vifs, des rouges profonds, des riches violets, des verts, des bleus, des jaunes… (La page du blog sur les Maramureş en contient le parfait exemple, la photo fait presque mal aux yeux !)

Les filles disaient que toutes ces tapageuses nouvelles venues représente la destruction du patrimoine, mais je trouve ça vraiment gai et joli : c’est un chouette contraste avec la noirceur du bois, et puis elles conservent souvent les caractéristiques de l’architectures roumaine, avec ses prispa (les galeries qui longent la façade avant), les porches d’entrée, les petites tours, les balcons à colonnes… Certaines sont des pensiunes (hôtels ou maisons d’hôtes) ou peuvent abriter un supermarché, comme celle, grande et orange, qu’on a vue à Bârsana !



Hop on descend, direction les célèbres monastères de Bârsana. On se balade entre ces belles bâtisses, tout en croisant de temps en temps une nonne ou un pope. J’ai eu un peu peur d’en subir les foudres vu que je prenais des photos sans en avoir payé le droit, mais personne n’a rien dit… D’après Marie c’est possible que certains fassent vœu de silence, ce qui m’arrangeait pas mal du coup ! (Olalaaaaa, qu’elle est amorale cette petite... Oui mais j’ai acheté un calendrier orthodoxe, ça m’absout un peu. Et de toute façon je finirai par racheter mon crime puisque c’est ici que je vais rentrer incessamment sous peu dans les ordres.)

(Ceci est un puits.)


(Et voilà, un portique traditionnel tout neuf !)

Entre-temps le ciel s’est éclairci, et c’est sous un beau soleil de printemps que nous décidons d’aller nous balader un peu dans la cambrousse… Mais d’abord, il faut franchir un ravissant pont suspendu, tellement sécurisant qu’on se demande si le panneau placé devant – qu’on n’arrive pas à comprendre – est une interdiction d’y poser le pied sous peine de chute fatale. Comme nous sommes de vaillantes trompe-la-mort, on décide que non, et c’est parti !


…Bon, il n’était pas en si mauvais état, mais j’étais quand même contente d’avoir une main courante à laquelle m’agripper. (C’est dans ces cas-là qu’on savoure le plaisir simple d’avoir des mains ! Standing ovation pour mon pilote). 


Et donc nous voilà à longer la rivière, en ayant le vague projet de trouver un marché dans un des villages plus loin…











On demande au couple, en haut à à droite, s’ils savent où on peut en trouver un dans les environs. Je ne me souviens plus de la réponse (je suppose qu’elle nous a dit – enfin, aux filles – d’aller jusqu'à Sighetu, vu que c’est ce qu’on a fait),
mais je me souviens qu’ils ont un fils qui étudie en France et à qui elle a envoyé des bonnes denrées pascales : la nourriture qu’ils produisent en travaillant d’arrache-pied dans leur champ (ils étaient en train d’y épandre du fumier) est bien meilleure que ce qu’on peut trouver en France… (D’après elle, hein, mais pour le coup je ne me risquerais pas à mettre sa parole en doute…)

Le manger est peut-être sain et naturel mais par contre les berges de la rivière qu’on longeait étaient jonchées de détritus. Ts ts ts.





(← La photo est de Marie, qui a mitraillé cette botte de foin en essayant à peu près toutes les fonctions de mon réflex.)







On rejoint la civilisation pour prendre le bus pour Sighetu, peu après qu’un chauffeur de camionnette nous ait proposé de nous avancer un peu, sans qu’on ait rien eu à demander ; malheureusement ça n’était pas sa destination, dommage…

Sighetu Marmaţiei ! Son marché plein de vie, son musée ethnographique flambant neuf, son pimpant centre de concentration communiste !

Non, ne soyons pas si cyniques. Le centre-ville est joli et il faisait beau. Après quelques emplettes au marché (où on fait le plein de zacusca (sorte de ratatouille aux poivrons, très, très, très bon), fromage (on a dû batailler ferme pour pouvoir en acheter moins d’un kilo), et un litre de lait), on s’est rendues au musée ethnographique. La petite dame qui sédimentait derrière son comptoir nous vend les tickets, puis s’en va allumer les lumières dans les différentes salles… Ca annonce la couleur !

On y trouve une sympathique collection d’ustensiles traditionnels (barattes, paniers à grain, métiers à tisser et compagnie), une petite forêt de montants de portails sculptés, puis des chouettes déguisements du nouvel an/carnaval, quoiqu’un peu poussiéreux. On jette un coup d’œil à la boutique (que la gardienne a allumée spécialement pour nous, waouh) ; il y a quelques bibelots sans intérêt, des cartes postales passées et des costumes traditionnels, qui, d’après Marie, sont sûrement des biens familiaux dont on se sépare pour se faire un peu d’argent…

Bref. Le musée retourne à la pénombre et à la poussière séculaire (ou au moins décennale), et nous à la lumière du jour. Et c’est qu’il commence à faire faim, dis donc ! C’est l’heure d’une nouvelle découverte gustative : les gogoşi. C’est des gros beignets plats et salés ; on en prend au chou (gogoşi de varză) et à la purée de pomme de terre (gogoşi de cartofi) mais on en trouve aussi à toutes les viandes, et puis des sucrés, à la vanille, au chocolat… On les déguste posées dans un petit square entre les deux rues principales : c’est suuuuper bon.
On s’en va ensuite, de notre pas éternellement sûr et alerte, jusqu'à la gare, pour voir comment on peut rallier la Bucovine, plus à l’Est. Ce fut bien laborieux, et heureusement qu’un gentil contrôleur de train et ses moult livrets d’horaires nous sont venus en aide ! Après avoir démêlé le schmilblick, on retourne flâner en ville avant de prendre le train de 17h15 pour Beclean.

Le voyage se passe sans heurts, mais l’exactitude demeure un concept très abstrait dans l’univers ferroviaire roumain et du coup on se fait quelques frayeurs… « C’est notre arrêt ! On descend !!! Ah non, c’est pas celui-là, on remonte ! » (D’ailleurs c’était une très bonne chose qu’on soit remontées vu que j’avais oublié mon portefeuille dans le porte-bagage. Ca m’a valu un distinct « tsssss » de la part de la jeune fille avec qui on a fait le trajet.)
Donc une fois arrivées pour de bon à Beclean, on va se prendre un petit chocolat dans un café désormais bien connu des filles. Le tenancier est une crème : il s’enquiert de nos projets, remplit nos bouteilles, et nous apporte couverts pour notre pique-nique : pain, zacusca, fromage – rien que de repenser à ce fromage me donne faim - et quelques reliquats de biscuits. On lève le camp à contrecœur pour notre première correspondance, direction Suceava…

Le train est moins vétuste que les précédents, mais bondé. On partage notre compartiment avec un homme (qu’on doit réveiller pour pouvoir s’assoir), une petite fille qui dort sur les genoux d’une femme bien en chair, et leur quintal de bagages. On essaie de dormir aussi…
La nuit se passe, tandis que le train serpente dans la montagne…
On en descend vers 5 heures, et on attend notre deuxième correspondance pour Cacica dans une salle d’attente crasseuse investie par une demi-douzaine de sans-abris. Le dernier train est vide, youhou ! Vautrées sur les banquettes, on tente de grappiller quelques minutes de sommeil avant de descendre, enfin, à Cacica.

Jeudi

On se rend jusqu’au « centre-ville » du hameau (le seul carrefour du village, en somme) pour un autre p’tit chocolat, en attendant que les mines de sel (Salina Cacica) qu’on veut visiter ouvrent, à 9 heures.

Après une petite marche à travers le brouillard matinal, nous y voilà !
(Oh ben non Monsieur, les enlève pas…)














On comprend vaguement qu’on doit attendre les demoiselles de l’accueil dans la première salle de la mine, qui est une chapelle catholique. Apparemment on a mal compris vu qu’après un bon gros moment, l’une d’elles est descendue et s’est étonnée qu’on en soit encore là… Donc on continue la visite seules, comme des grandes. On descend encore une volée de marches pour passer devant une autre chapelle, orthodoxe cette fois, et on parcourt les galeries humides qui débouchent sur une piscine, puis une petite salle de bal, puis un gymnase… Personnellement j’aimerais moyennement faire des longueurs six pieds sous terre, dans une pièce aux murs de sel gris et à l’odeur cheloue.

                                         (La salle de bal…)           (…et le plafond du gymnase.)

On redescend au village, où on fait du stop dans le but d’aller visiter le monastère peint de Voronet. Ca n’est pas des plus fructueux.
              (Un peu de lecture en patientant)
Finalement un taxi s’arrête. On hésite un peu, mais le chauffeur nous dit être d’accord pour nous avancer gratis, alors…
Il est né dans le coin, et a beaucoup d’espoir pour le développement de sa région. Une station de ski s’est construite pas loin, les pensiunes investissent les villages ; pour lui le tourisme est le seul moyen de la rendre prospère. Il a travaillé un temps au Royaume-Uni, mais est finalement revenu à sa terre natale, et c’est touchant d’entendre à quel point il y est attaché.
Arrivées à Gura, il nous propose de pousser jusqu'à Voronet pour 10 lei ; on accepte.

Les monastères peints sont le fleuron de la Bucovine. On en a vu deux, très similaires : ce sont des bâtiments de forme simple, allongée, peints à l’extérieur de l’arbre de Jessé (la généalogie de Jésus) et autres figures de saints, et sur la façade arrière du Jugement dernier (qui est vraiment, vraiment beau). L’intérieur, divise en trois salles, est illustré de scènes de supplices, pour certaines bien gores.

Le monastère de Voronet est connu pour son « Bleu de Voronet », une couleur apparemment unique à cette époque. 

La prochaine étape est donc un deuxième monastère, celui d’Humor (sur la photo) ; il faut qu’on retourne à Gura pour prendre le bus. Il fait un temps splendide donc on commence à pied, mais c’est pas tout près : on retente le stop… Après un certain nombre d’essais infructueux, un couple absolument charmant accepte de nous amener nous pas à Gura, mais carrément à Humor. Ils nous ont même proposés de nous attendre à la sortie, si jamais on avait encore besoin d’un taxi !
Ca ne sera pas nécessaire vu qu’on compte y passer la nuit…

J’aime bien les échafaudages roumains, parce qu’ils sont en bois, du coup ça gâche pas du tout l’architecture. Ici il était à l’intérieur, dans la salle où on trouve l’autel, les icônes, et là un joli pain pascal (pască) posé sur un lutrin. A l’extérieur, on constate qu’une frise de carreaux en faïence fait tout le tour du bâtiment, révélée par la dégradation de la peinture… A quoi ça sert si c’est pour peindre au-dessus ? Etrange ! A part ça, rien de vraiment différent.

A la sortie, on tente de trouver une pensiune pour la nuit : on aimerait bien quelque chose de vraiment typique mais celle à laquelle on pensait est investie par un troupeau de jeunes anglophones… L’auberge espagnole sera pour une autre fois, on continue notre quête. On en trouve une, on passe un coup de fil, la gérante arrive du centre-ville ; tiens tiens tiens, c’est une des commerçante du marché à la sortie du monastère !
Les filles placent la barre haut, ayant passé un séjour à la fois très chaleureux et bon marché dans une pensiune de Barsana, et on doit marchander un peu pour le prix ; finalement on arrive à un arrangement, et nous voila dans nos quartiers. Le temps que le feu prenne dans le poêle à bois  (qui ressemble, disons, à une armoire carrelée), on se paie le luxe d’une bonne douche chaude : la dernière était quand même celle de lundi, dis donc !

Une fois toutes fraîches et pimpantes, on a encore un peu de temps à tuer avant l’heure du repas : on part en expédition dans la montagne. (Montagne qui, soit dit en passant, ressemble désespérément aux Vosges.)

Le chien de berger qui nous prend pour des voleurs de montons n’est pas des plus accueillant, et puis c’est drôlement pentu et la ruine antique que je suis a un peu de mal à suivre les deux cabris, mais au prix d’efforts surhumains (et d’un p’tit goûter en chemin) on arrive au sommet…
Et après on redescend (sans rire) en coupant à travers barbelés et clôture privée (même pas peur). On croise un autochtone qui nous dit bonjour en français dans le texte, une ferme que Marie va acheter et retaper elle-même (en y passant les 50 prochaines années de sa vie, vu le boulot), tout ça le long d’une route fraîchement damée ; si vous voulez du folklore, prenez vite vos billets, bientôt les voitures auront remplacées les charrettes à chevaux.

Mais trêve de blabla, c’est l'heure du dîner ! On va s’installer à la table de notre hôte, qui a accepté de faire demi-pension. Au menu :
-    Entrée : ciorbă de perisoară (« soupe aigre de boulettes de viande », méga trop bon)
-    Plat principal : miel et orez (agneau et riz, avec des gogosari ; simple mais bien goûtu aussi)
-    Dessert : cozonac cu nuşi (« gâteau de Pâques aux noix hachées », qui s’est laissé manger sans trop de difficultés)
-    et pour faire passer tout ça, un p’tit verre de ţuica, le traditionnel alcool de prune ! Sanatate !

Bon, et maintenant au lit, ouaiiiiis !
Tiens d’ailleurs, vous savez comment sont les housses de couettes roumaines ? (Ne me faites pas croire que vous n’aimez pas les anecdotes sans intérêt, si c’était le cas vous auriez arrêté de lire depuis longtemps.) Donc au lieu d’être ouverte sur l’un des côtés, la housse a un gros trou sur le dessus, en losange (enfin carré, mais orienté en losange, enfin bref vous voyez) et donc est cousue tout le tour. Je trouve ça assez bizarre, parce que du coup la couette doit être aussi présentable que la housse, mais après tout ces gens-là ne sont pas comme nous… Sur ces profondes paroles, bonne nuit !

Vendredi

Après 11 heures de sommeil et un solide petit déjeuner (œuf + tartines + gâteau + thé/café), nous voilà on the road again, direction Suceava ! On achète des covrigi pour la route (ce sont des bretzels, sucrés ou non, au pavot ou au sésame), puis on saute dans le minibus bondé qui nous dépose à la gare routière. On se dirige vers la citadelle, en passant devant LE McDonald’s (« Aloooors, pour aller là... Vous voyez le McDonald’s ? » - et ce plusieurs fois) et en traversant un charmant parc ombragé.

(Des petits jeunes à Humor →)




(←Un œuf de Pâques pour myopes, aux motifs traditionnels)
    



      



(Détail d’un puits →)

Le prix de l’entrée dans la citadelle – 4 lei, quatre fois plus que dans un musée lambda - est un peu abusé vu ce qui s’y trouve : des vieilles pierres. On en a vite fait le tour (elle ne comporte que quelques pièces qu’on ne peut identifier que par les écriteaux, dont une chapelle, une prison, une place d’exécution, le tout à ciel ouvert) mais il fait un temps superbe alors on traîne un peu, et comme on n’a pas payé le droit de prendre des photos, on mitraille. (J’espère que notre témérité n’est plus à prouver.)

(La chapelle de Saint Stephanos)                 (Je suis juste à côté de Marie, mais cette andouille de  retardateur ne m’a pas laissé le temps d’émerger)



Et sur le chemin du retour, on tombe sur une procession.
On la suit.






Je ne sais plus de quelle occasion il s’agit, mais en tout cas tout le monde converge vers l’église un peu plus haut. Tout d’abord on n’ose pas s’y aventurer (les femmes se couvrent la tête avant de passer l’enceinte) mais un vigile me fait comprendre qu’il n’y a pas de souci, donc Marie et moi allons jeter un coup d’œil. L’église a un beau toit aux tuiles colorées, et la foule à l’intérieur est impressionnante : les fidèles font la queue pour déposer des bouquet de fleurs sur les autels, recevoir l’hostie ou simplement embrasser les icônes.



On revient dans la zone du très fameux McDo, et on se pose dans le jardin d’une petite église pour décider du programme, tout en dégustant un croissant. Il n’était pas aussi feuilleté qu’un vrai croissant français, mais garni d’une sorte de crème Mont Blanc au caramel : ça compense ! 

On s’en va alors chercher conseil à l’office de tourisme. Le brave homme qui nous accueille se fait un plaisir d’exercer son anglais, ce qui ne change rien pour les filles mais me permet au moins de suivre la conversation ! Il nous indique la direction de l’Hanul Domnesc, l’auberge du XVIème siècle qui abrite le musée, et tant qu’il y est un bon restaurant pas très loin.


(← Ceci est une merveille de technologie : non seulement le bonhomme vert est animé, mais en plus le compte à rebours indique combien de secondes il vous reste avant de vous faire potentiellement aplatir comme une crêpe ! C’est génial.)





Le musée était vraiment très chouette. On commence par le rez-de-chaussée (après que la gardienne a fait le tour du propriétaire pour tout allumer) : les pièces gardent leur agencement d’époque, donc on traverse les chambres, la salle à manger, la cuisine (où sont exposés d’énormes chapelets de cuillères en bois… Mais qu’est-ce qu’ils fichaient avec autant de cuillères en bois ? …Manger ? Mmmmh c’est possible.)
A l’étage, on admire une profusion de superbes costumes traditionnels, richement brodés de fils ou de perles de rocaille mates, des ceintures de laine tissée, des épaisses couvertures, et encore pleins de cuillères sculptées, des louches à lait énormes, des pots pour la traite des chèvres (à en croire leur taille, c’est drôlement improductif, une chèvre), et puis des masques de carnaval, dont une tête de chèvre et une autre de cerf vraiment jolies ! Si jamais un jour vous passez par Suceava, allez y faire un tour, il vaut son pesant de cacahuètes.

Pareil pour le resto, d’ailleurs ! Il se veut mexicain (Restaurant Taco Loco, Vasile Bumbac nr 5A, langa Palatul de Finante) mais propose une belle palette de plats traditionnels. D’ailleurs la plupart des autres clients dégustent avec du pain une soupe très crémeuse, blanche, qui n’a pas l’air très mexicaine. On commande deux assiettes de tocăniţă (« ragoût moldave » ? Disons que c’est de bouts de viande venant de divers bestiaux, le tout dans une bien bonne sauce) servis avec de la mămăligă (polenta) et du fromage très salé, des cartofi et des concombres saumurés. MIAM.

Après ça, retour… Au McDo, pour prendre le bus pour la gare. Il y a deux gares à Suceava, et on ne sait pas de laquelle part notre train pour la Transylvanie (le centre du pays), donc on a prévu large au cas où on se plante. Par chance la première tentative est la bonne !
C’est une très belle gare, et pour cause. (Petit intermède historique : soyez attentifs, j’ai dû éteindre mon baladeur et gribouiller des schémas afin d’y piger quelque chose. Interro à la fin.)


En 1867, l’Empire d’Autriche et le Royaume de Hongrie se réunissent sont le nom d’Autriche-Hongrie (j’te jure), dirigé par François-Joseph Ier (issu de la branche des Habsbourg-Lorraine), déjà empereur d’Autriche, et donc sacré roi de Hongrie pour l’occasion.
A cette lointaine époque, la Bucovine appartient à la partie autrichienne de l’empire (la Cisleithanie), et Suceava (toujours en Bucovine, elle bouge pas) se trouve la frontière avec la Roumanie. C’est depuis longtemps une ville prospère, vu que dès le Moyen-âge, les princes
moldaves y élisent domicile, et donc les affaires continuent maintenant qu’elle sert de transit pour les voyageurs et les marchandises entre les deux Etats.


Entre 1870 et 1871, la ligne Iţcani-Burdujeni y est construite : la gare de Suceava Nord (Iţcani) dessert les autres importantes villes de Bucovine, et est reliée à Suceava Sud (Burdujeni), construite du côté roumain. (Est-ce que Suceava débordait sur la Roumanie, ou est-ce que la gare est construite en dehors de la ville ? Wikipédia n’est pas très clair à ce sujet… Je pencherais pour la deuxième hypothèse, vu que le trajet en bus depuis le centre est quand même assez long). Tout se passe comme sur des roulettes, puis en 1918 l’empire est démantelé et la Bucovine va à la Roumanie. Voilà voilà.

Entre-temps, nous voilà dans le train, direction Sibiu ! On partage cette fois notre compartiment avec deux types corpulents, une jeune femme et un vétéran de guerre. (Je le sais parce qu’il avait à la fois la carte correspondante et la gueule légèrement cassée.)









(← Admirez les coiffes traditionnelles des deux jeunes hommes !)

Seul souci pendant le voyage : le chauffage est à fond les ballons, et mon imposant voisin produit lui aussi son quota de chaleur… On étouffe. Le vieux finit par ouvrir la porte, et reprend son étrange  manège : de temps en temps, il lève les bras comme s’il sortait une phrase sentencieuse, mais sans rien dire. J’ai d’abord cru qu’il était muet, jusqu'à ce que l’un des hommes ouvre la fenêtre alors que le train est en marche. Il explose alors, et s’ensuit un échange houleux entre nos quatre roumains, incompréhensible mais assez divertissant. Je n’arrive pas à me souvenir qui a eu le dernier mot… Il me semble que la fenêtre, quand même bruyante, a été refermée.
(← Vue du train)
Il continue à faire chaud, et soif… Pas d’eau dans mon sac… Mais oooooh tiens donc, le lait de mercredi ! On en a bu la veille et il commençait à tourner… Marie (pour le coup vraiment courageuse) me demande la bouteille et l’ouvre.
PCHIIIIIIIT !
Ohohoh ben miam alors, du lait gazeux ! Oui alors là non, quand même, on n’est pas prédisposées au suicide par empoisonnement et on se sépare de notre lait pétillant à Vintu de Jos, où on attend notre correspondance. Deux heures à tuer, entre 3h14 et 5h10 du matin… On petit-déjeune sur le quai… Et puis finalement, il s’avère que le petit café de la gare est ouvert !!! Allez hop, un chocolat !
Le café est sombre, quasi lugubre, avec dans un coin une petite télé grésillante qui diffuse un concours de danse. Quelques clients sont déjà attablés, et les filles remarquent que l’un d’eux nous filme… A sa guise, c’est pas ça qui m’empêchera de savourer mon pseudo-chocolat blanc. 

Chouette, le train pour Sibiu est vide ! Ca nous laisse deux heures de sieste, tandis que le soleil se lève…

Samedi

La banlieue de Sibiu est grise et moche, mais une fois qu’on s’aventure dans la vieille ville, tout change ! Les façades sont de toutes les couleurs, les toits ont des yeux, et ça rappelle vraiment les villes alsaciennes ou allemandes, ce qui est un tantinet logique vu que la région fut un temps aux mains des Saxons (la ville s’appelait alors Hermannstadt). On a un peu de temps avant que la tour de l’horloge n’ouvre, alors… On va au café !

Oui, au café Sigma, celui de la photo. Une poignée de jeunes est déjà posée (vous les voyez en bas à droite), et l’un d’eux vient nous saluer chaleureusement. Quand il apprend d’où on vient, il se met à chanter un air français du style Manu Chao, nous apprend qu’il est connu à travers toute la Roumanie, puis « Can I hug you? It’s good vibes! How do you say, « bonnes vibrations »? The waitress didn’t want, but it’s good vibes!”
Heuuuu comme ça, dès le matin… On se contentera d’un café, d’accord ?

(→ La Tour de l’Horloge dans la table du café)




On admire la ville depuis la Tour, on jette un coup d’œil à la cathédrale romane (dont l’intérieur semble bien banal après toutes les églises orthodoxes qu’on a vues), on traverse la rue commerçante pour aller voir les remparts.
(Des couleurs, des couleurs partout !!!)

Bon c’est pas tout ça, mais la route nous attend : je m’en vais le lendemain depuis Bucarest, tandis que les parents de Mathilde y arrivent…
On prend le bus pour Brasov, dans lequel je m’endors comme une masse.

Les couleurs et le beau temps restent à Sibiu : on débarque dans la triste gare routière de Brasov sous la pluie. On entre dans la salle d’attente pour pique-niquer, et je me fais incendier par un vieux parce que j’ai mal fermé la porte : ça se confirme, les papis roumains ne sont pas copains avec les courants d’air !

Deux scénarios se présentent alors. Soit on reste ensemble à Brasov, soit Mathilde et moi allons au « château de Dracula » à Bran. Marie l’a déjà vu et y retournera avec ses parents, donc elle préfère rester. Il faut choisir vite, le bus part dans 5 minutes : bon allez hop, c’est quand même dommage de venir en Roumanie pour manquer une telle tranche de folklore 
Nous embarquons dans un bus antédiluvien, qui nous balade entre les hautes montagnes transylvaniennes…

Arrivées à Bran, on apprécie pleinement la nature touristique du site. Le marché posté en avant-garde du château propose son comptant de pacotille, de la multitude de T-shirts et mugs Dracula (typiques mais pas très beaux : je suis un peu déçue, j’en voulais un pour tenir compagnie à ma tasse Nessie mais aucun n’arrive à sa cheville) jusqu’aux ponchos péruviens et poupées Hanna Montana (qui, eux, font franchement tache).

Alors qu’on monte vers le château, on croise des groupes de visiteurs asiatiques, puis américains, et puis comme d’habitude  des Français ; c’est assez étrange de se dire qu’ils vont remonter dans leur bus avec leur guide, jusqu'à un autre site touristique ou un hôtel trié sur le volet, avec un programme bien déterminé…
Quand on passe la semaine à entendre du roumain et essayer de le comprendre, quand on traverse des petits villages où la charrette et la fourche prévalent encore sur l’automobile et le tracteur, quand on voyage exclusivement en transports en commun au point de passer la nuit dedans, quand parfois on dort et mange chez l’habitant, bref quand on vit les us et coutumes du pays au lieu de les observer, et bien on ne se sent plus tout à fait touriste. On se sent… voyageur. (La classe.)

Le château, comme on le savait déjà, n’évoque Vlad l’Empaleur que par ses panneaux explicatifs, mais l’endroit est joli. Sachant qu’il a été réaménagé par une certaine Reine Marie au cours du XXème siècle, je m’attendais à un déluge de rococo avec force dorures et autres kitchetés, et ben pas du tout : c’est un sympathique labyrinthe de murs blancs et de meubles de bois sombres, très sobre. (Un peu trop d’ailleurs, ça serait pas mal qu’ils rendent l’endroit plus « habité »…)
C’est un peu comme Castle Coch près de Cardiff : un petit château d’origine médiévale, d’abord conçu à des fins militaires, puis retapé au cours des derniers siècles en sympathique habitation occasionnelle.

Le jour décline, et les touristes se dispersent sous une pluie fine… On profite encore un peu du château quasi-vide, on jette un coup d’œil à la boutique (comme de vrais touristes qui se respectent, pour le coup) où je peux m’indigner devant le charmant bibelot que constitue une pauvre chauve-souris coulée dans un bloc de résine (je préfère encore la poupée Hanna Montana), puis on redescend. On s’achète un Kourtos chaud en attendant le bus du retour : c’est un délicieux cornet de pâte un peu feuilletée, saupoudrée, dans notre cas, d’éclats de noix… Mmmmmmh… (Cf. photos !)

On remonte dans le bus, où un Français raconte à son ami qu’une friteuse a un jour explosé dans son RU. Amis étudiants, la prochaine fois que vous allez manger, méfiez-vous !
Et nous voilà de nouveau à Brasov. Ou du moins à la gare routière : on marche 20 minutes pour rejoindre le centre. On retrouve Marie devant la statue de la Louve allaitant Remus et Romulus (la Roumanie a été longtemps sous domination romaine), qui me demande si j’ai pris les horaires de bus pour Bucarest ! « Hein ?! T’es sûre que tu me les as demandés ? Bon ben ça veut dire que je t’ai raccroché au nez avant. » Pffff on va pas y retourner… Mais on en a besoin parce qu’on n’est pas sûres des horaires de train … On va essayer de trouver un cybercafé en ville.

Chou blanc. Par contre L’artère principale est très vivante, avec plein de resto et de bars…On tente de trouver un ordi dans l’un d’eux : nouvel échec. Marie finit par appeler une amie qui a Internet sous la main, et là, soulagement : on prendra le train de 3h14 pour Bucarest !

Bon, à manger, maintenant ! Un quidam qu’on a croisé quelques minutes plus tôt, et qui s’est dit travailler pour une agence de tourisme, nous a conseillé un resto (le Gustari) : on y va. Il est désert, bizarre… Bon allez, on tente quand même…
Les filles m’ont vanté toute la semaine une certaine ciorbă de burta, et voilà enfin l’occasion de goûter cette merveille ! Ma soupe arrive, et je pèche avec curiosité dans mon bol…
Oooooh des bouts de tripailles, miam miam miam ! Quoi, c’est de l’estomac ? Oh ben chouette alors, il y a même des bouts avec des espèces de villosités ! (Voilà où ça mène de faire confiance à ses amis.)
Bon, c’est pas abominable, mais je n’en recommanderai pas de sitôt.

Alors qu’on prévoyait de passer le plus de temps possible à table (rapport à l’heure du train), arrivent déjà les plats de résistance… Et là on comprend pourquoi il n’y a personne. On a plus l’impression d’une assiette de cantine que de restaurant : mes tristes légumes à l’eau se battent en duel, l’escalope est juste passable et surtout, surtout… La mămăligă est au lait !!! SACRILEGE ! (Selon Marie.) On finit nos assiettes (quand même) et on s’en va comme des princes, le menton haut, avec l’air dédaigneux du connaisseur à qui on ne la fait pas. Fi !

Du coup il nous reste plein de temps avant le train. On s’en va dans un autre resto, le Da Vinci, devant lequel on est passées plus tôt et qui semblait pas mal. C’est l’heure du desseeeeeert ! Je commande donc le traditionnel Papanasi que je n’ai pas encore eu le temps de goûter : c’est comme un donut bien dense, garni de confiture et de crème ou fromage blanc. Parfait.
Il fait bien chaud dans le restaurant, avec une douce lumière… On y végète jusqu'à la fermeture (seulement minuit, dommage !) puis on se met en route pour la gare. Elle n’est pas tout près, surtout de nuit et sous la pluie…

On y arrive : c’est grand et moche. Tous les sièges sont occupés par plus d’une vingtaine de sans-abris endormis. Un homme ronfle dans son fauteuil roulant, des enfants dorment en boule dans un coin. On s’installe où on peu et on attend… Une télé diffuse des bandes-annonces à l’autre bout du hall, je me dévisse le coup pour les voir : The Lovely Bones (ça a l’air bien !), Remember Me (bof), Alice in Wonderland (déjà vu), The Spy Next Door (un total navet, apparemment), The Lovely Bones (oui vraiment, ‘le regarderais bien !), Remember Me (mais il est même pas beau, en plus) et ainsi de suite jusqu'à ce que la douleur cervicale vainque l’hypnotisme du petit écran. Bon, ben je vais finir mes cartes postales…

3h14, enfin ! En voiture tout le monde ! Le train est vide, et on s’endort une dernière fois (pour moi) allongées sur ces chères banquettes, miteuses et moyennement salubres (rapport aux boutons bizarres qui m’ont suivies pendant un mois), certes, mais tellement confortables…


Dimanche

Bucarest ! On arrive à 6h47, mon avion est à 9h16. On s’achète les derniers gogosi de la semaine, puis Marie et moi quittons Mathilde (qui doit préparer l’arrivée de ses parents) avant de prendre le bus vers l’aéroport… Après une petite prise de bec avec les contrôleurs (qui sont bien obligés de reconnaître que le moyen de valider un ticket pour deux personnes n’est PAS expliqué dans le bus), on arrive à Baneasa, et on petit-déjeune avec ce qui nous reste de pain et pâté.
Et voilà, c’est l’heure du départ, et des adieux… Une dernière bise à Marie, puis je remonte dans l’avion, direction Londres.

La semaine a été dense, avec beaucoup de kilomètres parcourus, peu d’heures de sommeil, peu de douches, mais ça n’aurait pas pu être une meilleure découverte de cette terre lointaine. L’image que j’en garde, c’est des paysages agréables, des monuments d’une grande beauté, des gens aimables, ouverts et accueillants, une cuisine simple mais délicieuse… Il n’y a rien de grandiose, d’exceptionnel, de monumental (du moins pour ce que j’en ai vu, hein) mais la Roumanie a un impressionnant potentiel en matière de belles découvertes !

En conclusion, j’ai passé une excellente semaine en compagnie de deux charmantes guides/interprètes/amies (qui ont grandement augmenté mes chances de survie en milieu hostile, pleine de vampires, de Français et de contrôleurs obtus) ! Merci les filles pour cette belle virée, cette petite semaine est désormais classée dans les meilleurs souvenirs de cette inoubliable année !


Signé Diane HOVHANNESSIAN (ndlr histoire de redonner a Cesar ce qui appartiens a Cesar! )

1 commentaire:

  1. C'est encore Diane ! (D'ailleurs merci Marie d'avoir révélé mon identité, je me rends compte que ça fait un peu bizarre de démarrer le récit sans même me présenter…) Juste un p’tit erratum au sujet de Sibiu, la ville n’a jamais été “aux mains des Saxons” : à l’époque le centre de la Roumanie abritait une grande communauté saxonne et Sibiu (Hermannstadt) était leur capitale. Aucune histoire de conquête ou quoi que ce soit, donc ! Désolée de corriger si tard !

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